Conclusion

La maîtrise de l’acte de lire demande à un enfant une capacité stratégique complexe. En effet, il lui faut être capable de fusionner des opérations fort différentes : la reconnaissance des mots, le décodage, les prédictions sémantiques, en vue de comprendre le sens d’un message écrit. Il doit être capable de traiter de concert trois types d’unités linguistiques : les unités de seconde articulation (lettres, syllabes, phonogrammes), les unités lexicales (mots),et les unités significatives (phrases, textes).

Le travail spécifique sur le développement de la conscience phonologique est une aide pour certains enfants en difficulté dans l’apprentissage de la lecture. En effet, l’accès aux capacités métaphonologiques favorise la combinatoire ; le travail sur l’attention auditive, conjointement à celui sur la mémoire à court terme, participe à la prise de sens en lecture. Au terme des séances, les enfants ont globalement progressé. Bien sûr, mon travail n’a pas été réalisé dans des conditions expérimentales scientifiques, on ne peut affirmer que les exercices d’ entraînement soient seuls responsables des progrès des enfants en lecture. Il demeure cependant la question du transfert des savoir-faire et savoir-être au sein de la classe d’origine, qui eux, restent fragiles. Pointer cette remarque, c’est ne pas se résigner à un travail encore inachevé. La mise en évidence des facteurs conatifs dans la réussite scolaire n’est plus à démontrer, cette dernière interpelle l’ensemble de la communauté éducative.

Au terme de cette analyse, nous pouvons affirmer que la conscience phonologique doit être développée très tôt au cycle 1. Il semblerait pourtant que celle-ci pourrait être à la fois une cause et une conséquence de l’acquisition de la langue écrite : l’enfant doit disposer d’une certaine conscience phonologique pour acquérir les compétences fondamentales en lecture ; cette acquisition permettant, en retour, le développement des capacités secondaires qui peuvent ensuite servir de base pour la réalisation de traitements linguistiques plus élaborés.

Ma recherche s’est centrée sur le développement de la conscience phonologique mais je n’oublie pas pour autant que l’activité de lecture doit avoir un sens pour l’enfant, qu’elle l’aide à mieux vivre et à mieux comprendre le monde. Cette question du sens est aujourd’hui centrale en pédagogie et elle se pose pour l’apprenti-lecteur à trois niveaux distincts que l’enseignant se doit d’articuler :

Revenons également au rôle du maître E quant à l’aide qu’il peut apporter dans l’apprentissage de la lecture. Si l’on en croit Y BARON : " une certaine souplesse dans le choix du moment de la présentation des rapports phonie / graphie, qui ne serait pas le même pour tous, pourrait probablement réduire le nombre d’échecs au CP (25 à 30 % actuellement). Cette flexibilité est tout à fait réalisable au cours d’un apprentissage qui se déroulerait sur trois ans avec des aides des enseignants spécialisés (maîtres E et rééducateurs), cette organisation structurelle prévue par les textes permettrait de gérer avec plus d’efficacité l’hétérogénéité des classes "

Par ailleurs, le maître E est avant tout un pédagogue, il travaille avec des élèves en difficulté d’apprentissage et je voudrais citer, pour terminer ce mémoire professionnel, un propos de ALAIN  qui me paraît illustrer le " regard " particulier que l’enseignant spécialisé doit porter sur ces élèves :

" Si je crois l’enfant que j’instruis incapable d’apprendre, cette croyance écrite dans mes regards et dans mes discours le rendra stupide ; au contraire ma confiance et mon attente sont comme un soleil qui mûrira les fleurs et les fruits du petit bonhomme. "